LE LIQUIDATEUR AMIABLE EST RESPONSABLE DU PAIEMENT DES DETTES… QUI SONT DUES
Publié le :
11/05/2020
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2020
Quelle évidence ! On ne paie que ce qui est dû.
Pourtant, il aura fallu au Cabinet quatre décisions de justice, dont une de la Cour de cassation, pour faire reconnaître cette évidence.
L’affaire sera aussi l’occasion de revenir sur une autre évidence : un locataire commercial n’est pas fautif à percevoir une indemnité d’éviction.
En l’espèce, notre cliente avait pris à bail un local commercial, pour lequel elle avait souscrit un contrat de franchise avec un franchiseur, pour l’exploitation d’un hôtel.
Les relations contractuelles se sont déroulées sans incident particulier jusqu’à ce que le bailleur délivre un congé avec offre d’indemnité d’éviction pour l’échéance d’un bail, moult fois reconduit.
Le bail allait donc prendre fin sans que cette rupture ne soit imputable au locataire, à qui était proposée une indemnité substantielle, le propriétaire exerçant tout simplement son droit légitime de reprendre les locaux loués à l’issue du contrat.
Le franchiseur a ouvert le contentieux, estimant être en droit de solliciter l’indemnité de rupture anticipée prévue au contrat.
Parallèlement, les associés de notre cliente prenaient – logiquement, eu égard à la cessation d’activité - la décision de liquider amiablement la société et nommaient l’un d’entre eux en qualité de liquidateur.
Informé de cette procédure, le franchiseur a sollicité auprès du liquidateur le paiement de l’indemnité susmentionnée.
Les opérations de liquidation ont toutefois été clôturées, après que liquidateur eut refusé d’y faire droit.
Sa position était en effet légitime en ce que le contrat de franchise prévoyait une indemnité au profit du franchiseur uniquement si la rupture du contrat se faisait « aux torts » de l’hôtel, alors qu’il n’avait fait que subir la décision unilatérale du bailleur, qui ne lui reprochait rien.
Pour autant, le franchiseur a engagé, en 2015, une procédure à l’encontre du liquidateur, en soutenant qu’il y avait une faute de l’hôtel, que sa créance était due et donc que le liquidateur aurait dû la payer avant de mettre un terme à la liquidation.
Il soutenait également que le liquidateur était fautif de n’avoir même pas provisionné cette somme.
Le Cabinet s’est donc fermement opposé à ces demandes, opposant qu’il n’y avait aucun tort de l’hôtel, de sorte qu’aucune indemnité n’était due et que le liquidateur ne pouvait donc être condamné pour ne pas l’avoir payée ni même provisionnée.
En somme, il n’y avait eu ni faute du liquidateur ni même de préjudice pour le franchiseur, ne pas payer ni même provisionner ce qui n’est pas dû ne causant strictement aucune perte.
Les juridictions au fond saisies nous ont pourtant rétorqué que nous ne faisions pas la preuve d’une faute du franchiseur permettant à l’hôtel de s’exonérer de sa responsabilité pour la rupture du contrat, ce qui était ahurissant dans la mesure où celui-ci, qui est la loi des parties et qui doit s’imposer au juge, stipulait précisément que la faute à prouver était celle de l’hôtel, et qu'elle devait l'être par le franchiseur.
Le salut est finalement venu de la Cour de cassation, en 2019 (n° 18-12160), qui a jugé, de manière limpide, que :
« Pour juger que [l’hôtel] est redevable de l'indemnité forfaitaire de résiliation prévue par l'article 10-2 du contrat de franchise et condamner Mme S..., [liquidateur amiable], à en payer le montant, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que cette société a interrompu l'exécution du contrat de franchise de sa propre initiative sans mettre en évidence une faute [du franchiseur], de sorte que le contrat a été résilié unilatéralement par Mme S... avant l'issue de la cinquième année, ce qui constitue une faute de la société franchisée ; Qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que c'était à la suite du congé reçu du bailleur de l'immeuble […] que [l’hôtel] avait informé [le franchiseur] de son intention de résilier le contrat de franchise, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une rupture du contrat de franchise avant l'échéance aux torts du franchisé, permettant seule, aux termes de l'article 10-2 du contrat, la perception par le franchiseur de l'indemnité forfaitaire de résiliation, n'a pas donné de base légale à sa décision ; »
Cette décision favorable nous a renvoyé devant la même cour d’appel que précédemment, pour qu’il soit statué de nouveau sur l’affaire.
Ici, le franchiseur arguait encore plus vigoureusement, voyant que la faute alléguée et le fondement même de son indemnité étaient sérieusement mises à mal, que le liquidateur était fautif pour n’avoir pas provisionné sa créance, même si elle n’était pas due.
Néanmoins, orientée par la Cour de cassation, la cour d’appel, en 2020, a rejeté cette argumentation et, enfin, fait définitivement droit à celle du Cabinet, après 5 ans de procédure, en décidant que :
« [L’hôtel] n'est redevable d'une indemnité de résiliation […] que si le contrat de franchise est résilié aux torts [de l’hôtel]. Or en l'espèce, la rupture du contrat de franchise faite de façon anticipée ne l'a pas été aux torts [de l’hôtel] puisqu'elle est fondée sur la décision unilatérale du bailleur qui a délivré un congé avec refus de renouvellement et paiement d'une indemnité d'éviction. Il s'ensuit que l'indemnité de résiliation au titre du contrat de franchise n'étant pas due, le fait pour [le liquidateur] ne pas avoir provisionné le montant de cette créance avant la clôture des opérations de liquidation de [l’hôtel] ne peut constituer une faute de sa part. »
Outre l’intérêt qu’elle a de rappeler en droit nos évidences, cette affaire démontre, s’il en était encore besoin, que la Justice est parfois longue et frustrante, notamment à la lecture de décision défavorable, mais que persévérer porte ses fruits.
Historique
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